Charles Frederic Ulrich
La brodeuse
Sous la coiffe opaline s'évasent en douceur
Des fils de lumière aux reflets irisés.
Posée, sur l'acajou précieux d'une petite table,
Tendue à l'extrême dans des cerceaux de bois,
Une blanche batiste ceinturée de dentelle,
Dévoile pudiquement sa fantaisie de points.
Délicatement brodées sur le cœur de la toile,
Deux initiales aux jambages élégants et racés
S'enlacent et s'élancent en arabesques fines
Retenue prisonnière dans un fil de l'ouvrage,
Une aiguille minuscule, à la langue effilée
Entame le serpentin d'un filet ajouré,
Ciselé sur la pureté du lin du délicat mouchoir.
Sous la voûte neigeuse de ses cheveux soyeux,
La tendresse infinie de ses yeux occultée,
Je crois bien que ma grand-mère sommeille.
Alors, sans mot dire, je m'approche et me risque,
À broder de mes lèvres sur la peau de sa main d'artiste,
Le tracé d'un baiser parfumé de mon amour pour elle.
Marybé Dom